Zazadàla est un groupe de musique qui a trouvé ses racines dans un roman, Le suicide de Dalila Rosenberg de Sal Ortega. De la mise en abîme à la mise en musique, il n’y avait qu’un pas que Mina, Faly et Klarck ont franchi pour composer trois albums mettant en paroles et en mélodies les aventures de leur héroïne, Juliette. Le premier album, Juliette Romanova’s Ghost Story, est sorti en 2024. Rencontre avec nos trois protagonistes à Antananarivo, Madagascar.
Dans le royaume d’Imerina, il se murmure bien des choses sur Juliette Romanova. C’est une sainte, dit-on de cette jeune fille qui, fuyant la guerre ayant éclaté dans l’empire russe, trouvera refuge sur l’île de Madagascar. Et c’est à peu près tout ce sur quoi tout le monde s’accorde. Cette aura mystérieuse qui entoure le personnage n’est pas pour déplaire à Mina, Faly et Klarck. Ces trois compères, deux guitaristes et une chanteuse joueuse de ukulélé – qui se sont rencontrés pendant leurs études à l’université en 2010 et se rejoignent quelques années plus tard dans leur passion partagée pour la musique – décident de transformer la fiction en réalité et de donner chair et corps au trio du roman Le suicide de Dalila Rosenberg de Sal Ortega. Si le roman n’est publié qu’en 2024, le groupe Zazadàla sera formé dès 2017 pour composer un nouveau répertoire issu de l’histoire de Juliette, entre musique et fiction.
Première étape : l’écriture musicale et scénique. La mise en rôle, l’aspect théâtral, à travers costumes et mise en abîme sont essentiels à la déclinaison de ce projet qui verra le jour grâce au soutien de l’Institut Français de Madagascar en 2021.



La suite se décline en albums. L’idée a germé de produire trois albums en anglais et en malgache – pour illustrer le chemin parcouru par Juliette. Nous sommes toujours ou presque dans le roman.
Le premier album, en anglais donc, sort en 2024, sous le titre de Juliette Romanova’s Ghost Story. Cet album-concept relate le passage sur terre de cette adolescente, fantôme au destin hors du commun, qui va traverser les épreuves humaines et les traduire en chants avec humour et dédain. Les notes suspendues et les harmonies des voix sont privilégiées pour véhiculer les paroles quelque peu étranges, frôlant parfois l’absurde de Juliette. Comme lorsque qu’elle chante dans “Selfish Junkie” “qu’il n’y a pas de remède – car il n’y a pas de maladie.” On pourrait presque y voir une métaphore de l’état de l’île malgache aux prises avec ses démons politiques.
Sur le plan musical, l’intention de cet album est de délaisser les instruments rythmiques pour donner plus d’espace aux mélodies, ici basées principalement sur deux instruments acoustiques : la guitare et l’ukulélé. On pourrait le classer dans la catégorie folk, ou dans la catégorie indie acoustique, étant donné le statut d’auto-production du groupe. Cependant sans chercher à vouloir absolument se démarquer de la musique populaire, ni des artistes du même genre, cet appauvrissement instrumental n’est là que pour servir et mettre en valeur la dimension spirituelle de la musique.



Pour Mina, Faly et Klarck, qui ont tous trois des activités parallèles pour gagner leur vie à Antananarivo, oeuvrer pour Zazadàla, c’est marcher « entre les gouttes des responsabilités de la survie dans la société moderne, jongler entre les besoins, les obligations et les aspirations, et malgré tout célébrer la créativité née des limitations ».
Nous les avons donc rencontrés en décembre 2024 et séduit par leur élan et leur imaginaire, nous avons décidé, en lien avec l’Institut Français, de soutenir la production de leur second album, en malgache cette fois, qui doit voir le jour en 2026.
Depuis, en février 2025, ils ont fondé l’association culturelle Limbo, encouragés par Paysages Humains, avec pour ambition de construire un espace de création et d’expression artistique, pour mener leurs projets mais aussi permettre un accès à la musique à tous ceux et celles qui n’en ont pas les moyens.



Sandrine Maricot Despretz







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